L'auteur

Une “politique de l’offre” est nécessaire au redressement

Dans les manuels d'économie on exprime l'idée que l'une des fonctions fondamentales d'un État est la politique de stabilisation économique, mais cette idée fait par ailleurs partie de la pensée dominante - même presque unanime - des citoyens, par exemple ceux de la France. Cette croyance est si rarement mise en cause qu'elle est même devenue un réflexe. C'est ainsi que l'on considère comme indispensable une politique de relance économique lorsqu'on subit une crise économique, c'est-à-dire une situation où la production de biens et services dans le pays diminue par rapport à la situation antérieure.

Or, pour résoudre un problème il devrait toujours être admis qu'il est absolument nécessaire d'en connaitre la cause, comme on le fait à juste titre, par exemple, pour des problèmes physiques. Malheureusement on n'en a pas pris l'habitude en ce qui concerne les crises économiques, bien que leurs causes puissent être bien différentes. Mais il existe aussi un réflexe collectif de ce point de vue, à savoir qu'on considère une crise économique comme une manifestation de la nécessaire instabilité du " capitalisme ". Tel fut le cas, par exemple, de la crise de 2008, alors que celle-ci était la conséquence du caractère déstabilisant des politiques monétaires (ce qui aurait d'ailleurs dû être considéré comme la preuve que la politique économique n'est pas forcément stabilisante et qu'elle peut au contraire être déstabilisante).

Cette crise a bien illustré par ailleurs la validité de la théorie autrichienne du cycle économique (développée en particulier par Ludwig von Mises et Friedrich Hayek). Une politique monétaire expansionniste provoque des changements non justifiés (sur le long terme) des structures productives du fait, par exemple, des incitations artificielles à emprunter pour investir lorsque les taux d'intérêt sont rendus trop bas par la politique monétaire. Ainsi ce que l'on peut considérer comme une politique globale (la politique monétaire expansionniste) se caractérise non pas par des conséquences uniformes pour toutes les activités humaines, mais par des distorsions. Et l'on peut dire qu'il en est ainsi dans toutes les crises économiques.

Les causes de la crise économique actuelle sont évidemment bien différentes (mais elles ne tiennent pas en tout cas au fonctionnement du capitalisme, contrairement à ce que certains essaient de suggérer). Comme on le sait bien, elles viennent du fait que l'on craint à juste titre la transmission du coronavirus entre les personnes, ce qui a conduit non seulement à accepter que des individus refusent de se rendre à leur poste de travail, mais même à décider la politique de confinement obligatoire. La conséquence en est évidente, à savoir que certaines entreprises diminuent leur production ou l'arrêtent même, et que beaucoup de salariés, mais aussi d'entrepreneurs ou producteurs indépendants, n'effectuent plus leur travail habituel.

Stimuler la demande globale pour relancer ?

Mais il existe malheureusement des préjugés dans ce domaine, en particulier l'idée dominante de l'opinion publique et des politiciens selon laquelle on peut stimuler l'activité économique - donc surmonter une crise économique - en augmentant la demande globale, ce qui implique par exemple une augmentation des dépenses publiques ou une politique monétaire expansionniste. II serait trop long de le faire dans le présent texte, mais on peut démontrer que la politique de demande globale est incapable d'aboutir aux conséquences positives qu'on lui attribue, quelles que soient les situations, et même que le concept de demande globale est dépourvu de sens .

Pour évaluer la portée de ces politiques de relance il est utile de préciser ce que feraient les entreprises dans un système non-étatique. Les entrepreneurs - mais aussi les autres individus - sont conscients que la situation actuelle est une situation provisoire et qu'ils pourront retrouver ultérieurement leurs activités normales de long terme. Par conséquent certains d'entre eux peuvent être incités à rechercher les moyens d'égaliser leurs ressources disponibles dans le temps, en particulier en empruntant dans l'immédiat et en remboursant leurs emprunts dans le futur; mais ceci se traduit nécessairement par une augmentation des taux d'intérêt car la diminution des revenus de beaucoup de gens provoque une diminution non seulement de la consommation, mais aussi de l'épargne (et même peut-être davantage de l'épargne car la consommation peut être considérée comme prioritaire). Cette augmentation des taux d'intérêt est totalement justifiée : devant une rareté croissante des ressources d'épargne il convient de permettre qu'elles soient affectées aux activités les plus productives. De ce point de vue il est d'ailleurs important de souligner qu'une crise économique, quelles qu'en soient les causes, se caractérise non pas seulement par une diminution de la production globale (évaluée statistiquement), mais par des changements structurels (dans la production, la consommation, l'épargne) et ce qui est souhaitable c'est précisément d'ajuster les structures productives aux structures de consommation et d'épargne, ce que seuls les marchés libres sont capables de faire.

La crise actuelle est provoquée par une cause très différente de celle de 2008, mais on peut cependant faire des remarques similaires : la crise a une cause globale - en l'occurrence le découragement des activités productives du fait de la diffusion d'une maladie - mais les conséquences en sont spécifiques et il est incorrect - et même dangereux - de vouloir la surmonter par une politique monétaire expansionniste ou une politique d'augmentation de la demande globale (c'est-à-dire, en particulier, un déficit public).

Dépenses publiques, dette publique

En effet, puisque le problème actuel est un problème d'offre, résultant du fait qu'il y a moins de personnes susceptibles de travailler comme salariés ou comme entrepreneurs, il est vain de penser qu'il est possible de le surmonter au moyen d'une politique économique d'augmentation de la demande globale ou d'une politique monétaire expansionniste. De ce point de vue on doit être surpris qu'un important plan de relance ait été décidé aux États-Unis - conformément au préjugé de type keynésien- puisque 2.000 milliards de dollars vont être injectés dans l'économie. L'union européenne a décidé de constituer un plan de soutien à l'économie de 540 milliards d'euros (et même probablement davantage) et la banque centrale européenne doit par ailleurs accorder d'importantes ressources monétaires. Il est également surprenant qu'en Allemagne - un pays caractérisé par des excédents budgétaires au cours des années récentes - on décide un déficit budgétaire. En France le gouvernement a annoncé un plan d'urgence de 100 milliards d'euros pour aider à surmonter la crise économique actuelle.

En ce qui concerne la France actuellement les décisions de politique économique ne consistent pas, purement et simplement, à augmenter les dépenses publiques. On doit reconnaitre que le gouvernement n'a pas seulement décidé une politique de croissance des dépenses publiques, mais qu'il a décidé une diminution des charges fiscales et sociales, comme cela est justifié. En effet il a été décidé de diminuer les prélèvements d'impôts et de cotisations sociales afin d'aider les entreprises à maintenir leurs ressources en dépit des difficultés productives. Cette baisse est normale et souhaitable dans les circonstances actuelles. Mais il en résulte un plus important déficit public. Ce dernier va représenter 7,6 % du PIB - ce qui est une augmentation considérable - et la dette publique va atteindre 112% du PIB.

Avant l'actuelle crise économique on aurait dû contester fortement le préjugé - justifié par l'union européenne - selon laquelle un déficit public de 3% du PIB était parfaitement acceptable. Mais l'augmentation actuelle du déficit public mérite d'être extrêmement critiquée. En effet, étant donné précisément que le problème est un problème d'offre et que le déficit public est incapable d'accroitre la production globale, cela signifie que l'État doit prélever des ressources en empruntant des ressources d'épargne. Ainsi les individus et les entreprises disposent d'un peu plus de ressources du fait de la diminution des charges sociales et économiques, ce qui compense un peu la diminution de leurs revenus. Mais par ailleurs l'État disposant de ressources plus faibles, il aurait été normal qu'il diminue ses dépenses d'un montant correspondant à la baisse des charges. Étant donné que ce n'est pas le cas, puisqu'il y a au contraire une augmentation des dépenses publiques, l'État est obligé d'emprunter plus, ce qui diminue l'épargne disponible pour financer les besoins de financement des entreprises dus aux difficultés actuelles.

Aide aux entreprises ?

Le gouvernement français a annoncé par ailleurs que l'État allait aider les entreprises en difficulté en investissant dans leurs fonds propres ou même en nationalisant certaines entreprises. Or on doit considérer une telle politique comme extrêmement contestable car elle consiste à remplacer des propriétaires privés responsables par un État irresponsable en tant que propriétaire puisque ceux qui prennent des décisions au sujet des entreprises ne subissent pas personnellement les conséquences de leurs décisions. Il est certain que certaines entreprises vont se trouver en difficulté financière, par exemple parce qu'elles doivent produire moins du fait du confinement de leurs salariés (ou même éventuellement des entrepreneurs eux-mêmes) ou parce que la demande pour leurs produits diminue. Mais on doit certes considérer que cette situation est provisoire et que les entreprises pourront retrouver leurs activités normales dès la fin du problème sanitaire. Pour subsister pendant cette période transitoire certaines d'entre elles doivent trouver un financement. Comme nous l'avons souligné ci-dessus, la solution consiste à ce que les entreprises (et éventuellement les individus) empruntent des fonds qu'ils sont décidés à rembourser après le retour à une situation normale. Mais bien entendu, cette possibilité dépend de la capacité des individus à procurer de l'épargne. Or, le déficit public doit précisément être financé par l'épargne.

Par conséquent si l'État achète des actions d'entreprises pour accroître leurs fonds propres il doit financer ces achats par des emprunts et il diminue l'épargne disponible pour les emprunts éventuels des entreprises. Autrement dit, cette soi-disant politique de soutien des entreprises par l'État correspond en fait simplement à une situation dans laquelle l'État joue seulement un rôle d'intermédiaire dans le financement (ce qui n'a évidemment pas de justification) : au lieu que les entreprises négocient elles-mêmes leurs emprunts en fonction de leurs spécificités et de leurs prévisions, elles reçoivent des dons ou des prêts de l'État et c'est donc lui qui devra rembourser ultérieurement les emprunts effectués. Mais comme l'État n'est pas lui-même producteur de biens et services, ce remboursement sera normalement fait par des prélèvements fiscaux. Autrement dit la politique publique n'a pas un effet de relance globale, elle fait de l'État un simple intermédiaire financier qui décide de manière arbitraire les modalités des prêts, des emprunts, des dons et des remboursements au lieu de tenir compte de la nécessité de réactions diversifiées telles que celles qui existent nécessairement dans une situation de marchés libres sans interventionnisme étatique. En résumé on a actuellement un choc sanitaire avec des conséquences négatives et diversifiées sur la production. Il est vain de penser qu'une politique économique ou monétaire peut aider à surmonter les problèmes et il faut donc compter sur la capacité de chacun à s'adapter à cette situation provisoire en attendant le moment où l'on pourra retrouver les situations antérieures.

On pourrait certes penser que l'augmentation du déficit public de l'État français, du fait de sa politique concernant les fonds propres et de ses autres politiques, peut être financée par l'épargne étrangère. Mais ceci est actuellement illusoire puisque la plupart des pays se trouvent dans la même situation que la France de telle sorte qu'il n'y a probablement pas d'épargne disponible pour cette politique publique. Comme nous l'avons vu ci-dessus, dans un système de marchés libres sans interventionnisme étatique, les variations du taux d'intérêt permettent de réaliser l'équilibre entre l'épargne et l'investissement de la manière la plus satisfaisante. Or, dans les circonstances actuelles les taux d'intérêt sont manipulés par les banques centrales de telle sorte qu'une augmentation d'un déficit public n'est pas financée par une augmentation de l'épargne, mais par une diminution de l'investissement à cause du détournement d'une partie de l'épargne vers le financement de la dette publique. Ceci constitue en tout cas un exemple du fait qu'il est vain d'attendre des conséquences positives d'une augmentation du déficit public.

Une crise économique suppose un choc de grande ampleur et c'est pourquoi les décisions étatiques, compte tenu de leurs éventuelles très grandes dimensions, peuvent être à l'origine des crises économiques. Tel est le cas, par exemple, d'une augmentation importante de la fiscalité qui détruit les incitations productives. Et tel est le risque que nous sommes susceptibles de courir dans le futur si l'État français décide une forte augmentation de la fiscalité pour financer les dépenses qu'il aura décidé de faire sous prétexte de faire une politique de relance économique et pour rembourser l'importante dette publique due à la " politique de relance ". Or une telle décision est actuellement suggérée par un certain nombre de personnes. Ainsi, sous prétexte de stabiliser l'économie on fait une politique cyclique - et donc déstabilisante - consistant à augmenter les dépenses publiques, puis à augmenter les recettes publiques.

" L'économie de l'offre "

Ce qu'on appelle "l'économie de l'offre" est une expression qui avait été utilisée pour caractériser la politique fiscale, couronnée de succès, d'un Ronald Reagan ou d'une Margaret Thatcher ("supply-side economics"). En mettant l'accent sur l'offre, c'est-à-dire sur la production, on tourne le dos à la caractéristique essentielle de la théorie keynésienne qui prétend à tort que la relance économique nécessite une augmentation de la demande globale, par exemple une augmentation du déficit public ou une augmentation des dépenses de consommation. Or, l'idée selon laquelle on peut stimuler de cette manière la production est une idée fausse en toutes circonstances. Ainsi, une augmentation des dépenses publiques ou de la dette publique se fait nécessairement aux dépens des dépenses privées puisqu'elle est financée soit par l'impôt soit par l'emprunt (ce qui diminue les dépenses de consommation et d'investissement).

En fait, il y a toutes les raisons de penser que la stagnation économique et le chômage sont dus à des excès de prélèvements obligatoires (et de règlementations), dans la mesure où ils détruisent les incitations productives, c'est-à-dire les incitations à travailler, à entreprendre, à épargner, à investir ou à échanger. En effet, plus l'activité d'un individu est taxée, moins il est incité à la développer. C'est exactement cela qu'a reconnu l'économie de l'offre. Ses défenseurs ont souligné à juste titre que la réforme fiscale était d'autant plus efficace qu'elle consistait à supprimer les aspects les plus désincitatifs de la fiscalité. Par ailleurs d'un point de vue purement conceptuel on peut se demander s'il convient de parler de " politique de l'offre ", alors qu'il s'agit non pas de mettre en œuvre de nouvelles politiques, mais au contraire de supprimer des politiques destructrices de l'offre. Il faudrait alors peut-être même parler d'une " dépolitisation de l'offre ". La crise actuelle pourrait être appelée une " crise de l'offre ", mais elle ne sera pas corrigée par une politique de demande ni par des interventions étatiques dans le domaine de la production (ou " domaine de l'offre "), mais par cette " dépolitisation de l'offre ".

Il est donc erroné et même nuisible de penser qu'une politique économique est nécessaire pour atténuer les effets de la crise et pour en sortir. Pour permettre une meilleure adaptation aux situations existantes, il convient de permettre le fonctionnement le plus libre possible des marchés, puisqu'il n'y a pas un problème global (si ce n'est statistiquement), mais des problèmes structurels. Pour que les entreprises puissent relancer leurs activités productives il convient tout d'abord, évidemment de supprimer toutes les règlementations qui réduisent les incitations productives. Tel est par exemple le cas de la loi sur les "35 heures" qui aurait dû d'ailleurs être annulée depuis longtemps; ceci permettrait par exemple à certaines entreprises d'augmenter leur production par rapport à la situation antérieure à la crise pour pouvoir plus facilement rembourser leurs dettes.

Mais il est évident que la fiscalité joue un rôle essentiel dans la destruction des incitations productives et il convient donc peut-être de préciser quels sont les impôts et taxes les plus destructeurs des incitations productives. C'est d'abord le cas des taux élevés de l'impôt progressif sur le revenu. Le plus souvent en effet ce sont les plus talentueux, ceux qui sont le plus à même de créer des richesses profitant à tout le monde qui sont frappés par ces taux. Et le problème est d'autant plus grave qu'en réalité d'autres impôts frappent la même matière fiscale d'une manière souvent peu visible. Tel est le cas, par exemple, de la TVA qui est, contrairement à ce que l'on croit, non pas un impôt sur la consommation, mais un impôt sur la production et les revenus. Et l'on pourrait aussi, parmi d'autres, souligner le rôle de l'impôt sur les sociétés. Il ne faut pas s'étonner dans ces conditions que la croissance des activités productives soit faible en France et que le chômage y soit élevé, mais aussi que certains des plus grands créateurs de richesses soient forcés de choisir l'exil. C'est finalement toute la population qui pâtit de cette politique qui consiste à punir les plus productifs. Et l'on doit donc s'opposer très fermement à des propositions comme celles qui consistent à prétendre qu'il faut augmenter la progressivité de l'impôt sur le revenu pour sortir de la crise. Par ailleurs le capital est surtaxé en France, alors qu'il n'y a pas de croissance sans accumulation de capital. Le vrai moteur de la croissance n'est pas la consommation, comme le prétendent les keynésiens, mais l'épargne et l'investissement. Ce sont donc aussi les incitations à épargner qu'il convient de libérer non seulement en diminuant ou en supprimant la progressivité de l'impôt sur le revenu, mais aussi, par exemple, en supprimant tous les impôts sur le capital.

Si l'on souhaite - comme cela est évidemment indispensable - de faire le nécessaire pour qu'une véritable relance économique puisse avoir lieu dès que possible, il convient de prêter attention au fait que nous avons été depuis plusieurs années dans une situation de politique monétaire expansionniste avec de très bas taux d'intérêt, ce qui peut être la cause d'une crise d'origine monétaire, comme celle de 2008. Il est donc d'autant plus nécessaire de ne pas pratiquer de prétendue politique de relance ni de politique monétaire expansionniste (également considérée à tort comme une politique de relance). On devrait d'ailleurs reconnaître que ce n'est pas seulement dans les circonstances actuelles que ces politiques sont contestables et l'on devrait admettre de manière générale que les politiques économiques et les politiques monétaires ne devraient pas exister car elles ne peuvent avoir que des effets négatifs. La production de biens et services est la conséquence des comportements individuels et il faut donc les respecter. Quant à l'État il devrait se cantonner à l'élaboration de ce qu'on appelle les activités régaliennes, qu'il conviendrait évidemment de définir de manière précise.