La crise du coronavirus a pu être surmontée en ses moments critiques grâce à la diligence, au travail, à la compétence et au dévouement de nombreux personnels sanitaires, notamment hospitalier. Mais cette crise a mis en lumière les graves défauts du système de santé français régulièrement vanté par les politiques, les syndicats et par tous ceux qui ne croient qu'à l'interventionnisme étatique. Aujourd'hui, on a d'abord compris que l'argent ne résout pas les problèmes. Contrairement à ce que tentent de nous faire croire ses - faux - défenseurs - la santé en France n'est pas victime d'une politique d'austérité.
La France est championne du monde des dépenses publiques (53.8 % en 2019), des dépenses sociales (32 % du PIB) et des prélèvements obligatoires (46.09 % en 2018). Les données récentes (nov. 2019) fournies par la Commission européenne et l'OCDE, montrent que la France (avec l'Allemagne) est le pays de l'Unioin européene qui dépense le plus (11.3 %) pour la santé contre 9,8% en moyenne européenne !
Le plus grand poste des dépenses de santé correspond aux soins hospitaliers, 32 %, plus que la moyenne de l'UE (29 %). Plus encore, la France ne manque pas d'infirmiers. Leur nombre est passé de 7.6 pour 1 OOO habitants en 2007 à 10.5 en 2017, ce qui est au-dessus de la moyenne de l'UE (8.5 pour 1 000 habitants). La politique de santé de notre pays est surtout victime de l'adoption des 35 heures et de la bureaucratisation du système. Le temps de travail dans la FPH (Fonction publique hospitalière) est de 1598 heures/an contre 1640 en moyenne dans la fonction publique. Dans les hôpitaux, le taux d'absentéisme s'établit à 13 % contre 9 % dans les collectivités territoriales. Le nombre de journées d'absence est, en moyenne, de 39.8 pour les agents hospitaliers contre 17.2 jours dans le privé (Sofaxis, INSEE, AG2R). C'est 2.3 fois plus !
Selon l'OCDE, dans les hôpitaux français, 405 600 personnes (ETP) œuvrent à des tâches autres que médicales, soit 54% de plus qu'en Allemagne, dont la population est pourtant près de 25% supérieure à celle de la France. Les hôpitaux français emploient donc presque 34% de personnes n'ayant aucune tâche médicale. Avant de parler de plan d'hôpital, qui ne serait que l'énième des versions que chaque gouvernement a proposées depuis plus de 20 ans, il convient de se saisir de ce problème propre à la France, à son système aussi extrêmement centralisé que complexe, de redonner aux hôpitaux leurs capacités à respirer par eux-mêmes. Les hôpitaux allemands sont dirigés (à 90 %) par des managers issus du privé.
Avant que de réclamer à cor et à cri plus de moyens, il faut être capable de bien allouer ceux dont on dispose, dans un pays aux finances délabrées. Et fermons d'ores et déjà une mauvaise piste : non ce n'est pas de personnel soignant, que manquent les hôpitaux français qui en comptent 765 000, 25 000 de plus qu'en Allemagne malgré sa plus forte population. L' Allemagne est aussi le pays qui a traversé le mieux cette crise, avec le même nombre de cas mais 5 fois moins de morts que la France à fin avril.
Quels remèdes ?
Fixons un objectif entrepreneurial, de libre concurrence et d'initiative à notre système de santé, en particulier à l'hôpital. Voici nos propositions de réforme en trois volets : RH (ressources humaines), prix, organisation. Tous trois sont à décliner sous le thème de l'assouplissement, de la respiration: l'hôpital étouffe dans un carcan réglementaire ingérable.
Ressources Humaines
♦ Assouplir et supprimer les 35 heures. Elles sont source de difficultés pour construire les planning quotidiens et en plus, l'accumulation de RTT réduit d'autant le nombre de jours de travail provoquant des vacances permanentes dans les services.
Pourquoi ne pas envisager des temps de travail adaptables dans le temps et variables selon chacun ? de 30 heures à 45 ?
♦ Sortir du fonctionnariat, carcan réglementaire insupportable et inutile. En l'état, il permet à des "salariés fantômes" de pointer à l'hôpital en demeurant en arrêt maladie, de faire acte de présence sans jamais pouvoir être licencié. Ce sont les autres employés qui assument alors les tâches qu'ils désertent. Cela permettrait aussi d'adapter la rémunération; payer les meilleurs, récompenser, etc (rémunération dynamique).
♦ Mettre fin à l'embauche unique de fonctionnaires de l'Ecole des hautes études en santé publique (EHESP): aucune organisation digne de ce nom ne recrute ses cadres à une unique source. Gérer l'hôpital comme une entreprise avec des vrais managers, serait le moyen de retrouver efficacité, productivité et dynamisme.
♦ Enfin, pour l'hôpital et pour le système de santé en général, abandonner la pénurie organisée par le contrôle du nombre de médecins, ie, le numerus clausus qui subsistent autrement après la suppression de quotas en fin de première année.
Prix
♦ Aujourd'hui, l'essentiel du financement des hôpitaux est issu du système de tarification à l'acte (T2A), soit un système entier de fixation et contrôle des prix avec des milliers de nomenclatures. Dans l'impossibilité de libérer ces prix du contrôle bureaucratique, il pourrait être envisagé d'assouplir ces tarifs en proposant que les hôpitaux puissent adapter ces prix plus ou moins 20%. Cela permettrait d'abord d'avoir une idée plus claire du prix réel d'un acte, que seul un prix librement fixé peut donner, raviverait la concurrence pour les actes banals, et donc réduirait la course à la quantité que pratique les hôpitaux.
♦ La différence des tarifs fixés entre clinique et hôpitaux publics n'a pas lieu d'être.
Organisation
♦ En gros, l'hôpital, aujourd'hui, est administré selon des plans pluriannuels, avec des officines de contrôle et d'organisation (Ministère, ARS) d'une part, et une enveloppe dédiée qu'il ne faut pas dépasser, l'ONDAM, (la seule variable possible étant la masse salariale entrante et sortante - ceux qui sont déjà "dedans" ont des rémunérations fixées selon des grilles et sont immuables) d'autre part, cette politique étant relayée tant bien que mal par les administrateurs internes.
L'équilibre des comptes de l'APHP reste un jeu " à qui perd gagne " : l'assurance maladie abaisse les prix tandis que les hôpitaux tentent par tout moyen d'augmenter leurs recettes. Il faut mettre fin à ce système rigide, inefficace et contradictoire en redonnant de l'autonomie aux hôpitaux et en leur donnant la liberté de fixer les tarifs. ARS ou APHP, il faut choisir : ces deux entités sont en opposition flagrante en Île-de-France, il faut aller au bout de la réforme des groupements hospitaliers de territoire, c'est-à-dire séparer l'APHP en différents groupes indépendants.
Pour accompagner et encourager ces changements, les hôpitaux peuvent être privatisés et mis en concurrence en intégrant le personnel médical et non médical au capital : les ressources dégagées permettront de financer les changements liés aux stratégies propres des établissements, le personnel sera impliqué dans la bonne marche financière de la structure. Parallèlement il conviendra d'étendre la possibilité des hôpitaux privés d'accueillir des étudiants en médecine et des professeurs d'université.
Hospitalisation privée et médecine de ville
En ce qui concerne le secteur privé, l'épidémie COVID-19 a mis en évidence ce qui transparaissait depuis de nombreuses années, l'hospitalo-centrisme de notre système de santé. Le système de santé français est un monopole public. Sa tendance est de privilégier ce qu'il connaît, la fonction publique, au détriment de ce qu'il ne connaît pas et très souvent n'apprécie pas , le secteur privé.
Hospitalisation privée
L'hospitalisation privée a été sollicitée lors de la mise en place du Plan Blanc. Elle a donc reporté toutes les interventions non urgentes pour libérer des lits, dont des lits de soins intensifs. Elle n'a été que très peu sollicitée. Les pouvoirs publics préférant orienter, a grand frais, les patients vers des structures publiques, même lointaines ou étrangères.
L'hospitalisation privée représente 1 030 cliniques et hôpitaux qui assurent la prise en charge de 9 millions de patients par an. Environ 150 000 salariés et 40000 médecins y travaillent. Elle prend en charge 55 % des interventions chirurgicales, 65 % de la chirurgie ambulatoire, 20 % des accouchements, 33% des soins de suite et réadaptation, 25 % de la psychiatrie pour 22,8% des dépenses hospitalières (Source https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/cns2019.pdf). 25 % de ces établissements ont des difficultés financières. (Source Fédération de l'Hospitalisation Privée https://www.fhp.fr/)
Médecine de ville
La médecine de ville qui concerne les médecins généralistes et spécialistes, les chirurgiens-dentistes, les pharmaciens, les sages-femmes, les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes, les pédicures-podologue etc. Ces professionnels, libéraux ou salariés, exercent à titre individuel en cabinet, en groupe ou de manière coordonnée en maison ou centre de santé. (Source https://www.ars.sante.fr/la-medecine-de-ville )
Les généralistes, les infirmières, les laboratoires, acteurs de santé de première ligne, ont été mis à l'écart par les pouvoirs publics de la prise en charge de l'épidémie. En raréfiant l'offre de soins cela a participé aux très mauvais résultats sanitaires en France.
Le bilan complet de l'épidémie devra prendre en compte les personnes qui ne se sont pas rendues dans les cabinets médicaux pour des pathologies, aiguës ou chroniques, qui auraient nécessité une prise en charge rigoureuse. Parmi ces personnes certaines sont décédées, d'autres ont vu leur état se santé se détériorer et pourront en garder des séquelles. Pour faire face à l'épidémie de SARS-coV2 les médecins généralistes ont, de leur propre chef, pris des dispositions pour organiser leur cabinet. Ils ont prouvé ainsi leur capacité à gérer rapidement les situations difficiles même en cas de défaillance étatique.
Il faut être conscient que la crise COVID-19 a mis à nu la grande misère de la médecine générale française par rapport à la médecine de pays de même niveau de développement. Le monopole d'État a bloqué les évolutions, les innovations au sein des cabinets médicaux.
Que faire ?
L'épidémie COVID-19 a mis en évidence ce qui transparaissait depuis de nombreuses années, l'hospitalo-centrisme de notre système de santé. Le système de santé français est un monopole public. Sa tendance est de privilégier ce qu'il connaît, la fonction publique, au détriment de ce qu'il ne connaît pas et très souvent n'apprécie pas, le secteur privé.
Cela fait très longtemps que l'on parle des relations privé/public. Ce problème ne pourra pas être résolu dans un cadre rigide du monopole public. Ce monopole implique des arbitrages clientélistes.
Toute amélioration ne pourra venir que d'un retour à la responsabilité personnelle et à la liberté économique. Cette liberté économique ne se limite pas aux conditions matérielles. C'est une éthique de vie où la personne humaine est sacrée. Ce qui est en parfaite harmonie avec la médecine. (Serment d'Hippocrate https://www.conseil-national.medecin.fr/medecin/devoirs-droits/serment-dhippocrate )
Les cliniques, comme les hôpitaux, doivent retrouver leur autonomie organisationnelle et financière. Ces structures retrouveraient la responsabilité de leur gestion donc de leur " destin ". En cas de nécessité elles pourraient coopérer directement sans attendre de subir les décisions d'un tiers détenteur d'un monopole centralisateur.
Les médecins libéraux doivent retrouver la liberté tarifaire et organisationnelle. Les syndicats médicaux doivent faire leur aggiornamento. Tous doivent comprendre que l'État n'est pas leur ami et que la Sécu n'a jamais " solvabilisé la demande ". Ce n'est pas la Sécu qui les nourrit, c'est leur qualité professionnelle. En bloquant, en gelant par une réglementation étouffante, l'exercice de la médecine en France, l'État a contribué à l'appauvrissement des cabinets médicaux, à la fois en terme de revenus et de moyens personnels et humains, pouvant être mis à la disposition des patients. Le summum de appauvrissement étant les déserts médicaux, les files d'attentes aux urgences et pour avoir un rendez-vous, le manque de médicaments, de masques, de respirateurs etc. . Cela s'appelle la pénurie de soins. Le COVID-19 l'a mise à nu.
Cette liberté tarifaire et organisationnelle des médecins devra être harmonique avec la liberté de choix de leurs patients. Cette liberté de choix s'appuiera sur un Compte épargne santé, et une Assurance santé au choix. L'un et l'autre pouvant être souscrits auprès du même organisme. Il n'y aura plus alors qu'un seul interlocuteur au lieu de deux, Sécu et Mutuelles. Ce dispositif sera complété par un fond de solidarité pour les plus démunis. Corollaire, les prélèvements obligatoires seront faibles et la quasi intégralité des revenus laissée aux Français (Ex : Salaire complet pour le salarié)
Ce système existe à Singapour https://uk.april-international.com/fr/sante-des-expatries/la-sante-singapour Medisave (Compte épargne santé), Medishield (Assurance santé), Medifund (Fond de solidarité) https://www.moh.gov.sg/docs/librariesprovider5/resources-statistics/educational-resources/3m_updated_engwebver77d4b49ef2a145d7b242894738b8c835.pdf