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Encourager la propriété privée

Avec la disparition de l’ISF, la propriété mobilière a bénéficié d’une baisse sensible de la pression fiscale. Mais la propriété reste surimposée en France, particulièrement la propriété foncière. Plus généralement elle fait l’objet de réglementations coûteuses et toujours plus contraignantes en même temps qu’elle ne cesse d’être indûment suspectée de maux imaginaires. Pourtant la propriété est essentielle à l’homme, non seulement à son économie, mais aussi à son humanité.

La propriété est surimposée

Selon l’OCDE, la France est le pays où l’on taxe le plus les propriétaires immobiliers – à hauteur de quelque 100 Mds d’euros. Le produit des impôts sur le capital et ses revenus y représente 10% du PIB contre 7,3% pour la moyenne pondérée des trois autres grands pays de la zone euro. 4 point de PIB de différence avec l’Allemagne. Selon l’IREF, les revenus du capital sonten France cinq fois plus imposés que ceux du travail.L’impôt sur les revenus immobiliers a encore augmenté avec la hausse de 1.7 points de CSG supplémentaire et le refus d’étendre le Prélèvement Forfaitaire Unique de 30% des revenus mobiliers aux revenus immobiliers.Les revenus fonciers peuvent désormais être imposés au taux de 66,2%, ce qui est manifestement confiscatoire. La propriété immobilière supporte encore l’IFI, à des taux supérieurs à l’inflation et au rendement des obligations d’Etat, et nos droits de succession et donation sont très élevés, 60% entre non parents, jusqu’à 45% en ligne directe au-delà de 1 805 677€, avec des franchises très basses, limitées à 100 000€. Par comparaison, les dons et successions entre ascendants et descendants directs sont exonérés de droit au Canada, au Luxembourg, en Suède (depuis 2004), en Russie, en Autriche… En Italie, ils sont nuls jusqu’à 1M€ et de 4% au-delà. En Allemagne ils sont nuls jusqu’à 400 000€ et ne sont que de 30% au delà de 26M€.

Sur l’immobilier pèsent encore les taxes foncières et éventuellement d’habitation qui ne sont pas anormales en soi pour que les contribuables participent aux dépenses locales. Mais les bases de ces impôts, non révisées depuis 50 ans sont injustes et incohérentes. Au surplus, l’idée de sortir de cette injustice par l’exonération de 80 % des contribuables de leur taxe d’habitation a ajouté de l’in- justice à l’injustice pour les 20 % restants.

Mais la fiscalité n’est que le petit bout de lorgnette

Un excès de réglementation pèse tout à la fois sur la propriété et sur les propriétaires mobiliers et immobiliers. Des contraintes démesurées en matière d’environnement sont à la charge des entreprises dans un seul souci idéologique ; des normes d’application générale sont édictées dans la construction en faveur des handicapés quand il suffirait, légitimement, de leur ré- server quelques logements adaptés ; des règles d’urbanisme conduisent des élus ignorants à décider pour vous de la taille et de l’architecture de votre maison sauf à vous refuser le permis ; des éoliennes inutilement dispersées sur le territoire viennent nuire à l’usage et à la valeur de vos logements... La cession des propriétés est soumise à des droits de préemption exorbitants des SAFER pour les biens fonciers ruraux et des collectivités locales pour les biens immobiliers urbains. Les preneurs commerciaux et ruraux ont plus de droits sur les biens qu’ils occupent que les bailleurs eux-mêmes et progressivement les locataires de logement sont si protégés que beaucoup de propriétaires renoncent à donner leurs biens en location ou hésitent à les entretenir, tandis que les nouveaux investisseurs sont découragés. Les augmentations de loyers sont de plus en plus encadrées et limitées avec une indexation obligatoire sur l’index IRL bâti pour être toujours inférieures aux indices du coût de la vie. Les projets ont fleuri récemment dans le rapport Louer en confiance du député LREM Mickaël No- gal, pour ajouter de nouvelles obligations à celles qui pèsent déjà excessivement sur les bailleurs privés de logements. Il veut confisquer les dépôts de garantie, régenter plus encore l’activité et les com- missions des agents immobiliers...

Après que par ses meures fiscales et règlementaires l’Etat ait réduit l’offre de logements sur le marché, il s’engage indument dans une politique de logements sociaux onéreuse pour les contribuables et détestable pour les bénéficiaires de ces logements qui ont peur de perdre leurs avantages en les quittant et préfèrent y rester en assistés à vie.

La France compte près de 5M de logement sociaux publics, soit près de 23% du parc européen alors qu’elle ne représente que 13% de la population de l’Europe. En France près de 18% de la population est logée dans des logements sociaux contre 4% en Allemagne. Il y avait en France en 2018 25,1 Md€ d’aides au logement, hors avantages fiscaux, et 14,5 M€ de dépenses fiscales, très principalement en faveur des logements sociaux, tandis que les prélèvements fiscaux, nets des avantages accordés et pesant essentiellement sur les propriétaires privés représentaient 77,5 Md€ !

Par ailleurs, par des propos fallacieux, le gouvernement annonce des avantages fiscaux aux propriétaires qui abandonneront leurs loyers aux preneurs pendant l’état d’urgence sanitaire. Ce qui incite évidemment tous les locataires commerciaux à demander à leurs bailleurs de renoncer à leurs loyers alors que le seul avantage accordé (!) aux bailleurs par la loi de finances rectificative du 23 avril 2020 est de ne pas imposer les loyers abandonnés, ce qui est bien la moindre des choses. C’est d’autant plus trompeur que dans le même temps, depuis le 26 mars, les petites entreprises bénéficiaires du fonds de solidarité sont invitées à différer le paiement de leurs loyers pendant toute la période d’urgence et les deux mois suivants. Leurs bailleurs ne peuvent leur appliquer aucune pénalité financière ou intérêt de retard, ni formuler aucune demande de dommages et intérêts ou astreinte, ni se prévaloir d’aucune clause résolutoire du bail en cas d’impayés de loyer, ni même se retourner contre leurs garanties et cautions. Les bailleurs n’en sont pas pour autant indemnisés par l’État dont l’imprévoyance a obligé à un confinement généralisé. Les hôtels, restaurateurs et autres acteurs économiques des secteurs gravement touchés par la crise ne seront guère plus couverts de leurs pertes.

Une fois de plus l’idée prévaut que les petits patrons peuvent payer, que les bailleurs peuvent secourir leurs pauvres locataires comme si les uns et les autres n’étaient pas des agents économiques ayant chacun leurs soucis propres d’équilibre financier. Mais le gouverne- ment pense plus que jamais qu’il peut s’ingérer dans les affaires des Français, par exemple, en refusant toute aide aux grandes sociétés qui distribueraient des dividendes, comme si les dividendes appartenaient à l’État et qu’il pouvait en disposer.

La propriété est naturelle à l’homme

La propriété privée est pourtant le meilleur moyen d’intéresser les hommes à leur activité créatrice et de les inciter à être plus efficaces et plus attentifs à leurs biens. Le monde a progressé depuis qu’à Athènes et à Rome, puis dans tout l’Occident, la propriété a été reconnue comme un droit essentiel et garanti par la justice. Il faut être propriétaire pour échanger, commercer. Il vaut mieux l’être pour sécuriser sa famille et sa vie. Hernando de Soto, économiste péruvien reconnu, a fait apparaître que le meilleur moyen de faire sortir les pays en développement de la pauvre- té est de faciliter l’accès des populations à la propriété, fut-elle la propriété de leur baraque de taule dans un bidonville. Car cela leur permet aussi immédiatement d’avoir quelque chose à donner en garantie pour emprunter et pour entreprendre. Il a démontré d’ailleurs que les États-Unis eux-mêmes n’avaient réellement amorcé leur développement que lorsque le droit de propriété y a été mieux établi au cours du XIXe siècle.

Mais la propriété n’est pas efficace par hasard. Elle est efficace parce qu’elle est naturelle à l’homme, répond à ses besoins fondamentaux. La remise en cause de la propriété est plus qu’une atteinte à la propriété, c’est une atteinte à la personne humaine parce que celle-ci a besoin de pouvoir, si elle en éprouve le besoin, accéder à la propriété pour accomplir sa nature qui est dans la recherche de ses fins. En ce sens la propriété n’est qu’un moyen, comme la liberté, mais essentielle à l’existence de l’homme comme homme. La Bible le commande « Tu ne déplaceras pas les bornes de ton prochain » [Dt 19:14]. Bastiat l’explique : « Dans la force du mot, l’homme naît propriétaire, parce qu'il naît avec des besoins dont la satisfaction est indispensable à la vie, avec des organes et des facultés dont l'exercice est indispensable à la satisfaction de ces besoins. Les facultés ne sont que le prolongement de la personne; la propriété n'est que le prolongement des facultés. Séparer l'homme de ses facultés, c'est le faire mourir; séparer l'homme du produit de ses facultés, c'est encore le faire mourir ».

La propriété libère, donne de l’assurance, de la responsabilité, de l’autonomie, protège contre l’ingérence des autres ; elle incite à progresser. Elle est légitime non seulement quand elle a été le fruit de son travail, mais aussi quand elle est reçue de ses parents. Ceux qui ont gagné leur vie à la sueur de leur front ont autant de droits à dépenser leur argent qu’à le transmettre à leurs héritiers.

Quelques orientations pour rétablir la propriété et la prospérité

Pour recréer l’abondance d’une offre immobilière, il faudrait aligner la fiscalité de l’immobilier sur celle des investissements mobiliers (actions, obligations...) avec suppression de l’IFI et imposition forfaitaire à 30 % des revenus.

Il faudrait aussi réduire de trop nombreuses normes et contraintes qui pèsent sur les propriétaires bailleurs. Mais il faudrait également abaisser le niveau des subventions publiques qui détruisent le marché du logement. Ne serait-il pas juste de rétablir l’égalité et l’équilibre entre bailleurs et preneurs : mêmes délais de préavis, même liberté de rupture... ? Il faudrait encore que la justice fasse son travail dans des délais courts pour statuer en matière d’expulsion, notamment en cas d’impayé, et respecte le droit de propriété face aux squats. De la même manière les droits de l’actionnaire devraient être reconnus et protégés comme ceux du salarié, sans prérogative excessive ni de l’un ni de l’autre. En cas d’empêchement d’exercer son activité du fait de l’État, fut-ce par son imprévoyance ou son impuissance, le commerçant, l’artisan, le professionnel indépendant devraient être indemnisés intégralement de leurs pertes, comme le bailleur interdit de poursuivre son locataire en défaut.

Plus généralement, pour que le commerce, l’industrie, les services, l’agriculture revivent, comme pour que le logement prospère, il faut que l’Etat arrête de penser que tout doit venir de lui, qu’il doit tout contrôler, tout autoriser. Il n’est là que pour veiller à ce que chacun puisse entreprendre et posséder librement dans le respect des autres, et pour éviter les abus.